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La web-série d’Arte, Tous musclés, raconte l’avènement du muscle à notre époque

La web-série d’Arte, Tous musclés, raconte l’avènement du muscle à notre époque

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Par Abdallah Soidri

Publié le

Une série en 10 épisodes sur le bodybuilding.

La web-série documentaire d’Arte, Tous musclés, s’intéresse, comme son nom l’indique, à la généralisation des corps musclés à notre époque. En 10 épisodes, les réalisateurs Camille Juza et Jérôme Momcilovic retracent les origines de ce quasi-culte voué au muscle, qui a intégré différentes couches de notre société. En prime, ils donnent la parole à celles et ceux qui représentent le mieux ce phénomène : les bodybuilders. Une rencontre loin des clichés, que nous raconte Jérôme Momcilovic.
Konbini sports | Comment est né le projet de cette série ?
Jérôme Momcilovic | Avant la série, on avait réalisé avec Camille Juza [coréalisatrice de Tous musclés, ndlr] un documentaire sur Schwarzenegger pour Arte, La Fabrique de Schwarzenegger, qui était l’adaptation d’un livre que j’ai écrit en 2016, Prodiges d’Arnold Schwarzenegger [éd. Capricci]. Après le documentaire sur Schwarzenegger, il restait plein d’éléments théoriques et historiques dont on avait envie de parler. De son côté, Arte avait envie de faire quelque chose d’assez sociologique pour interroger la question du muscle aujourd’hui. On a essayé point par point de brasser toutes ces questions, de voir de quoi le muscle est la métaphore aujourd’hui.
Quelle est la chose la plus incroyable que vous avez apprise en réalisant Tous musclés ?
La rencontre la plus saisissante a peut-être été celle avec Chris “Psycho” Lewis, un entraîneur américain, pour l’épisode sur la Californie. Il m’a raconté que sa passion de modeler des corps de bodybuiler lui venait de son père, qui était mécanicien. Avec les Américains, chez qui la culture bodybuilding est évidemment plus extrême, tout ce qui nous semblait relever de la métaphore (l’homme-machine, etc) devenait soudainement très concret.
D’une manière plus générale, le plus fascinant est probablement la discipline insensée des bodybuilders. C’est assez effrayant a priori, et rencontrer ces athlètes, qui se sont tous révélés adorables, a été l’occasion de décerner aussi quelque chose d’assez beau et émouvant dans cette morale dictée par la discipline. Le plus fort pour nous, ça a été ces rencontres, et l’occasion de rencontrer la part humaine de ces hommes-machines.
Avant de faire cette série, quel regard portiez-vous sur les bodybuilders et par extension, sur les personnes adeptes de la fonte ?
Comme j’avais beaucoup travaillé sur le sujet, ça faisait longtemps que j’avais passé le cap à la fois de l’étonnement et du possible ricanement. Ce qui s’est vraiment confirmé au fil de ces rencontres, c’est la justesse de cette formule dont Schwarzenegger avait fait un slogan dans les années 70. Le bodybuilding, disait-il, n’est pas un sport mais un art : “Je me vois comme un sculpteur, sauf que je travaille avec mon corps plutôt qu’avec de la glaise”. Derrière l’efficacité toute publicitaire de la formule, il y a vraiment un portrait très juste de la psyché des bodybuilders.


Sur les 10 épisodes de la série, vous en avez un préféré ?
J’aime beaucoup celui sur l’homme-machine. Ça a été l’occasion d’une belle rencontre avec Bionic Body, une personne absolument adorable. Son cas me fascinait. Il incarne particulièrement cette morale du “sky is the limit” à l’américaine : la volonté est plus forte que le corps. Il raconte exactement le fait que le muscle du bodybuilder, dans le fond, c’est une prothèse en soi, et que l’image du cyborg comme extrême du bodybuilding est juste et vraie. Pour le coup, lui, c’est très beau de le voir s’entraîner, avec ses prothèses conçues dans un matériau spécial pour supporter les machines.
Ce qui ressort beaucoup aussi, c’est la sympathie et la passion qui se dégagent chez les bodybuilders.
On a rencontré une petite méfiance au moment des les rencontrer, et je le comprends très bien : ils ont souvent eu de mauvaises expériences avec les médias, qui ont tendance à se foutre de leur gueule. Ils mettent tellement de coeur et d’honnêteté dans toute cette discipline que c’est violent pour eux d’être vus comme des bêtes de foire. On a veillé à poser sur eux le regard le plus curieux et honnête possible.
Après le tournage, vous avez eu envie de vous inscrire à la salle ou mieux, de devenir bodybuilder ?
[Rires] Je suis allé un peu à la salle au début de mon travail sur Schwarzenegger, pour essayer de comprendre ce que ça peut faire. Une chose qui me fascine assez dans les salles, et dont on aurait voulu parler plus dans la série, c’est le rapport presque érotique avec la fonte, l’acier. On le sent, ils ont une addiction totale à ça, qui relève d’une sorte de fusion avec la ferraille. C’est troublant parce que le bodybuilding est par définition une discipline assez asexuée – le physique des filles s’y masculinisent, tandis que les garçons n’ont aucun problème à défiler sur scène comme des pin-up – c’est un peu l’invention du troisième sexe. Et néanmoins, il y a ce rapport vraiment très sensuel avec l’acier. 
Tous Musclés, disponible dès ce lundi sur Arte. 

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